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Festival de Cannes, jour 2: Volodymyr Zelensky et Virginie Efira ont ouvert la 75e édition
Plus que la sympathique comédie «Coupez!», la cérémonie d'ouverture a offert un grand moment d'émotion, inscrit dans la réalité actuelle.
Il faut prendre la mesure du paradoxe de cette formule: Volodymyr Zelensky et Virginie Efira ont ouvert le festival. Et, de manière remarquable, celles et ceux qui ont pris la parole sur la scène du Grand Auditorium Lumière ont, en effet, pris cette mesure.
Avoir conscience à la fois de l'importance relative, vis-à-vis des tragédies du monde contemporain, du Festival de Cannes, mais aussi de la réelle intensité et de l'exigence de ce qui s'y joue, artistiquement, culturellement, et comme chambre d'échos des enjeux actuels: cela a bien été au centre de cette très singulière cérémonie d'ouverture.
Le moment décisif a bien évidemment été l'intervention du président Zelensky depuis Kiev, intervention longue et très construite, accordant une place importante à ce que Charlie Chaplin avait réalisé face à l'hitlérisme avec Le Dictateur et à la nécessité que le cinéma tienne, aujourd'hui, toute sa place dans le combat contre les dictatures et, aussi, contre le cynisme du profit. Moment d'une intensité exceptionnelle faisant irruption dans des circonstances peu habituées à un tel niveau de conscience.
Combattant capable d'occuper de multiples terrains d'opération, le président ukrainien a très bien compris qu'il avait aussi une bataille à mener sur un terrain aussi inattendu que Cannes.
Dès lors il l'a évidemment gagnée, mais c'est le choix de le faire qui est un vrai geste stratégique. Et l'ancien acteur ne s'est pas contenté d'apparaître; il est parvenu à partager une réflexion et un espoir.
Chacun avec ses mots, Virginie Efira, hôtesse de la cérémonie, Forest Whitaker, récipiendaire d'une Palme d'or pour sa carrière, et Vincent Lindon, président du jury de cette édition, ont dit au fond la même chose.
Qu'il importe, quand la planète est menacée de catastrophes environnementales sans précédent, quand la guerre fait rage en Europe, quand les tragédies se multiplient, de ne pas laisser s'installer une impression de bulle futile et luxueuse, mais au contraire de rendre sensible combien le cinéma et la plus importante de ses célébrations ont à prendre leur part dans la réalité du monde comme il va –mal.
Il advint dès lors ce phénomène inédit de mémoire de festivalier –et celui qui écrit ces lignes a désormais quarante Cannes au compteur: la cérémonie d'ouverture, d'ordinaire passage aussi obligé que péniblement protocolaire, a été plus intense, plus émouvante, plus mémorable que le film d'ouverture qui l'a suivie.
Mécanique du gag et éloge du bricolage
Non que Coupez!, la comédie de Michel Hazanavicius, mérite un quelconque opprobre. Sous couvert de variation burlesque autour d'un film de zombie, il s'agit d'un jeu habilement mené autour des mécanismes de la fiction, des ressorts du comique, et du processus de réalisation d'un film.
La construction, à partir de la présentation dans un premier temps (quarante minutes, tout de même) d'un nanar sanguinolent et aussi stupide que moche, permet ensuite de raconter avec amusement les dessous de ce sous-produit.
Les acteurs ont dû beaucoup s'amuser à surjouer ces personnages caricaturaux, on est bien content pour eux. Mais Hazanavicius décortique avec un mélange de précision d'horloger et d'affection pour ces situations et leurs protagonistes les mécanismes du gag, et c'est tout à fait convaincant.
Tout comme était appropriée, pour ouvrir le festival, la déclaration d'amour au cinéma qu'est finalement le film, avec un éloge appuyé de la dimension collective –en ce cas notamment familiale, et éventuellement bricolée– de ce processus.
Coupez!, qui sort dans les salles françaises ce mercredi 18 mai, est aussi plaisant que facilement oubliable. Ce qui s'est passé avant sur la grande scène du Palais des festivals l'était en revanche beaucoup moins. Aux jours qui viennent d'être à la hauteur.
Jean Michel FRODON
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